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L'histoire des parcs nationaux de France

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Paysage du Parc national de la Vanoise - © Joël Blanchemain
Les parcs nationaux de France, un long chemin parcouru vers la protection du patrimoine, tant naturel, culturel que paysager.

Les parcs nationaux, une invention américaine qui a fait école dans le monde entier

L'idée de protéger des espaces pour leur beauté naturelle remonte au XIXème siècle aux Etats-Unis d'Amérique.

The Hot Springs Reservation en Arkansas, est la première « réserve naturelle » américaine.

Elle fut créée en 1832 par le Congrès américain.

L'apparition de l'idée de parc national

La première idée et le terme même de « parc national » sont attribués à l’artiste-peintre américain spécialisé dans la représentation des indiens d’Amérique, Georges Catlin (1796-1872) qui propose en 1832 que les merveilles naturelles soient préservées : « by some great protecting policy of government... in a magnificent park... A nation's park containing man and beast, in all the wild and freshness of their nature's beauty! ». Le concept prend corps en 1872 lorsque le Congrès déclare la région du Yellowstone « Parc national ».

Cette idée a eu un grand succès aux États-Unis qui compte aujourd'hui 59 parcs nationaux sur plus de 210.000 km². Dans le reste du monde, les parcs nationaux se sont d'abord développés dans les anciens empires coloniaux (Australie en 1879, Canada en 1886, Nouvelle-Zélande en 1894, Afrique du Sud en 1898), puis dans les pays neufs comme l’Argentine, pour finir par s'étendre au monde entier.

En Europe, il était plus difficile de trouver de grands espaces naturels libres de toute occupation humaine : les migrations de populations, les défrichements, les mises en culture, l'exploitation des forêts et des rivières, l'exploitation minière, les guerres, les constructions et aménagements humains avaient considérablement marqué un territoire depuis l'apparition des premiers hommes sur ce continent à la fin de l’ère glaciaire. La nature et l'homme furent tout de suite liés bien que celui-ci ne commença à modifier les paysages qu’à partir du néolithique, lorsqu’il devint sédentaire et débuta l’élevage et l’agriculture.

La France profite alors de son empire colonial, pourvu de vaste étendues peu peuplées, pour expérimenter la création de parcs nationaux.  Ainsi, en 1921, un arrêté du gouverneur général de l’Algérie définit le statut administratif des parcs nationaux. Des parcs se créèrent en Algérie (les Cèdres), en Tunisie (réserve de Djebel Ischkeul) et au Maroc. D’autres Parcs apparurent dans les colonies, principalement en réaction aux massacres des animaux sauvages : les onze réserves naturelles de Madagascar (1926), les réserves de faune d’Odzala au Congo Brazzaville (1935), les parcs de Bangui et de Bangora en Centrafrique (1936).

 

Aux sources du Parc national des Ecrins

La création du Parc national des Ecrins le 27 mars 1973 n’est en fait que la continuité d’une démarche entreprise 60 ans plus tôt. En 1913, le premier congrès forestier international tenu à Paris à l’initiative du Touring club de France valide l’idée de création des parcs nationaux, l’association des parcs nationaux de France est alors fondée. Sa première mission est de soutenir le premier parc national français : le parc de la Bérarde (1913) qui devient le parc national du Pelvoux (1923) puis, en 1973, le Parc national des Ecrins. Sans que le terme n'ait encore une base juridique solide, l'appellation "parc national" est donc été utilisée dès 1923, à l’initiative d’Alphonse Mathey-Dupraz, conservateur des Eaux et Forêts.

La France rattrape son retard

Au début du XXe siècle en France, la sauvegarde de la nature est principalement poussée par des personnalités.

Des hommes tels qu’Alphonse Mathey-Dupraz, conservateur des Eaux et Forêts, Ernest Guinier, forestier membre de la société des touristes du Dauphiné, des membres du Club Alpin Français (fondé en 1874) et du Touring Club de France (créé en 1890), œuvrent pour la reconnaissance de l’importance de protéger une nature et des territoires qu’ils jugent remarquables.

Ces précurseurs militent auprès des pouvoirs publics durant des années pour l'idée de parc national :
  • Projet de parc national de l'Esterel proposé en 1902 par Edouard Albert Martel dans la revue du Touring Club de France qui déclare « Les Américains étonnent le monde [par la création de leurs parcs nationaux] c’est chose convenue, nous les étonnerons à notre tour, quand nous pourrons leur montrer notre Parc national de l’Esterel ».
  • Vœu émis en 1914 pour la création d'un parc national en forêt de Fontainebleau par la Commission des sites de Seine-et-Marne et plusieurs sociétés savantes et artistiques.

Le premier espace protégé français : la Série artistique de Fontainebleau

En France, l’idée de créer un espace entièrement dédié à la protection de la nature, même ordinaire, met plus de temps à apparaître. Durant le XVIIIe et le XIXe, c’est tout d’abord auprès de l’élite sociale et culturelle que les idées nouvelles de protection du patrimoine prennent racine. L’urbanisation et l’industrialisation en expansion à cette époque provoquent de graves atteintes aux paysages.

Ce sont les peintres de l’École de Barbizon qui demandent les premiers la préservation d’un patrimoine naturel. Estimant que les coupes d’arbres programmées par l’administration forestière dans la forêt de Fontainebleau poussent « l’artificialisation trop loin » au détriment du paysage, ils réclament en 1853 à Napoléon III la préservation de cette forêt.  Ainsi est créée la Série artistique de Fontainebleau par décret en 1861: premier espace protégé français.

 

La reconnaissance juridique

Le XXe siècle est riche en réflexions sur l’idée nouvelle représentée par les parcs nationaux. Des écrivains comme Georges Duhamel et des philosophes comme Gustave Thibon s’intéressent à la question. Pour autant, malgré l’activisme de ces personnalités, du Touring club de France et du Club Alpin Français, ce n’est qu’en 1960 qu’une loi est promulguée afin d'apporter une définition et un corps juridique aux parcs nationaux français.

La loi du 22 juillet 1960

La loi du 22 juillet 1960 sur les parcs nationaux est votée dans un train de lois de modernisation de l'agriculture afin que la France se dote de son premier grand outil de protection de la nature. Cette loi permet la création par décret en Conseil d’État de sept parcs nationaux en métropole ( la Vanoise le 6 juillet 1963, Port-Cros le 14 décembre 1963, les Pyrénées le 23 mars 1967, les Cévennes le 2 septembre 1970, les Ecrins le 23 mars 1973, le Mercantour le 18 aout 1979) et dans un département d'outremer ( la Guadeloupe le 20 février 1989).

Le parc national "à la française"

Le modèle de parc national né de la loi de 1960 sera appelé par la suite parc national "à la française ». Sa vocation est d'allier les actions humaines et la protection de la nature. Le classement d'un espace en parc national manifeste une volonté politique de donner à ce territoire une forte visibilité nationale et internationale, d'y mener une politique exemplaire et intégrée de protection et de gestion de ses valeurs naturelles et culturelles et d'éducation à la nature, et de transmettre aux générations futures un patrimoine préservé. La loi de 1960 prévoit que les parcs nationaux comprennent une zone centrale et une zone périphérique.

La loi de 2006, une approche nouvelle des parcs nationaux français

Une nouvelle gouvernance

Le dispositif législatif et réglementaire de la loi du 22 juillet 1960 est resté quasiment inchangé jusqu'en 2006. Il est apparu progressivement décalé par rapport au contexte juridique général, au contexte social (rejet par les populations locales de contraintes qui n'étaient pas toujours bien comprises) et au contexte administratif (progression de la décentralisation, création d'une administration de l'environnement, multiplication des outils de protection et des acteurs de la protection de la nature).

La loi du 14 avril 2006, qui modernise le dispositif législatif et réglementaire des parcs nationaux français, crée 3 nouveaux parcs nationaux en 6 ans (Parc national de La Réunion (2007), Parc amazonien de Guyane (2007), Parc national des Calanques (2012) et lance un projet de parc national de forêts feuillues de plaine en Champagne-Bourgogne. Elle apporte des innovations en termes de gouvernance et d'organisation territoriale des parcs nationaux de France.

Selon cette loi, un parc national est à la fois un territoire en plusieurs composantes (cœur, aire d'adhésion, réserve intégrale...), des hommes (l'établissement du parc national comprenant l'équipe du parc et ses instances au sein desquelles sont représentés les acteurs locaux) et un projet : la charte.