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"Gestes et paysages naturels"

A l'occasion des célébrations du cinquantenaire des parcs nationaux en 2013, l’exposition photographique “gestes et paysages naturels” évoque l'interaction des hommes avec la nature, la présence et l'activité humaines ancestrales qui l'ont façonnée. L'exposition valorise la mission de préservation des patrimoines naturels, mais aussi culturels, qui est celle des parcs nationaux. Elle explicite également le fait que les territoires des parcs nationaux sont des espaces naturels protégés habités jusque dans les coeurs pour certains - dans les Cévennes, en Guyane...

Tout le travail conduit par les parcs nationaux français dans la conservation du vivant, des milieux de vie et des paysages a montré combien celle-ci passait par la sauvegarde des usages raisonnés de l’espace.

Les paysages dans les espaces naturels, comme ailleurs, racontent les rapports anciens et actuels de l’homme avec la nature. S’agissant d’espaces naturels protégés,l’émotion naît souvent d’une forme de discrétion dans la manière de s’y inscrire, discrétion souvent synonyme d’harmonie, d’ancrage, d’accord avec la nature et le grand paysage.

Les parcs nationaux de France, en célébrant leur demi-siècle d’existence, veulent réaffirmer que leur action s’inscrit dans cette longue histoire ; ils s’engagent à en conserver les expressions les plus remarquables au plan de la richesse autant que du potentiel émotionnel.

De ce point de vue, les parcs nationaux conservent une mémoire autant qu’ils innovent dans une exigence de continuité des bons usages de l’espace et du respect du caractère de chaque territoire protégé.

Cette exposition est le produit d’un travail collectif qui rend compte d’une fidèle attention de tous à ces territoires d’exception et d’un hommage à ceux qui les habitent. Elle a été présentée au festival international de l'image de Montier en Der en 2012.

Dans le Parc amazonien de Guyane, les fleuves et rivières constituent la principale voie d’accès aux villages du Sud. Passés maîtres dans l’art du canotage, les gens du Maroni voguent sur leurs imposantes pirogues en bois depuis des siècles. Et si le moteur a aujourd’hui remplacé la pagaie, la navigation au milieu des rapides n’en reste pas moins périlleuse. La vie du fleuve rythme celle de ses habitants. Il leur apporte nourriture, supporte les usages quotidiens et détient des valeurs symboliques et sociales. La biodiversité amazonienne doit beaucoup à ces longs continuums fluviaux qui sont aussi des lieux de haltes pour des oiseaux limicoles migrateurs, à l’image de ce chevalier grivelé.

 

Inextricable et impénétrable la forêt amazonienne ? Pas tant que ça. L’immense forêt de Guyane est parcourue et pleinement vécue par l’Homme depuis des milliers d’années, au cours desquels il a développé de nombreuses techniques lui permettant de subsister dans ce milieu particulier. On récolte les fruits de la forêt, comme ceux des palmiers, qui fournissent huile, baies et dont les feuilles couvrent les toits. Quant à la culture itinérante sur abattis-brûlis, elle apporte son lot de légumes, fruits et tubercules. Le boucanage sur place du poisson et du gibier, lors des longues expéditions de pêche et de chasse, permet de les conserver, etc. Autant de gestes millénaires encore perpétués de nos jours par les populations traditionnelles de Guyane et qui sont indissociables de la vie forestière.

Aux Antilles, la plupart des plantes cultivées ont été introduites par la volonté de l'homme. Le cacao est originaire d'Amazonie, la vanille vient du Mexique, les premiers plants de café ont été importés d'Abyssinie, la cannelle du Sri-Lanka, la muscade des îles Moluques... Jadis florissante, la culture de ces plantes tropicales ne peut résister à la concurrence des exploitations à grande
échelle des autres continents. Le caractère artisanal et la dimension familiale des petites productions locales leur confèrent une valeur patrimoniale particulière.

C'est de la mer que depuis toujours les habitants de la Guadeloupe tirent une grande partie de leurs ressources alimentaires. Toutes les communes de l'archipel ont leur port de pêche où les « saintoises » chargées de poissons et de crustacés capturés au filet ou à la nasse reviennent accoster chaque matin. Malheureusement, au fil des années, la pression s'accroît sur les stocks qui se renouvellent moins vite que la demande, et cette pêche artisanale est aujourd'hui dangereusement fragilisée.
 

Un trésor révélé

À Piton Ravine Blanche, dans les hauts du Tampon, des habitants du quartier se sont mobilisés pour sauver une forêt oubliée, à peine visible sous les lianes de raisin marron. Ce milieu naturel d'exception rassemble d'immenses Tamarins des Hauts et d'autres espèces endémiques rares sur une quarantaine d'hectares. Au sein de l'association "Tamar'haut", ils mènent depuis 2010 des actions de lutte contre les espèces invasives. La forêt est aujourd'hui un lieu fréquenté par les familles et les sportifs, qui apprécient le parcours de santé réalisé par des « emplois verts ».
Tamar'haut s'investit aussi dans la plantation d'espèces indigènes pour les besoins de la population (projet "PEI Run") en partenariat avec le Parc national, la Région, la Commune et l'association des Amis des plantes et de la nature (APN).

Île magique et fragile

Depuis le sentier menant au Piton de l'Eau, dans le coeur du Parc national, un très grand paysage se dévoile au petit matin. Au loin, émergeant de la mer de nuages, les sommets majestueux de l'ancien massif du Piton des Neiges. Ses vastes pentes, griffées par l'érosion, descendent vers la Plaine des Cafres, qui constitue le lien entre le vieux volcan et celui toujours actif du massif du Piton de la Fournaise. Afin de préserverles écosystèmes indigènes d'altitude, l'activité d'élevage, autrefois menée sur un mode pastoral extensif, a été recentrée au fil des ans sur des espaces dédiés, dont les prairies du « coeur cultivé ».

L'avenir se joue ici dans la recherche d'un équilibre entre une nature préservée et des activités agricoles et touristiques, au service d'un développement durable et harmonieux du territoire.

Inscrites dans la pente, bâties au plus juste dans un milieu montagnard rude et contraint, les constructions en alpage traduisent les modes d'adaptation de l'homme à l'altitude. L'apparente simplicité des bâtiments, dont beaucoup ont résisté à l'épreuve du temps, masque des modes constructifs élaborés. Toits en lauzes, en tavaillons, murs en pierres hourdées à la chaux, murs en pierres sèches, pierres gravées ou percées, enduits au greya... Révèlent autant de trésors de savoir-faire et d'ingéniosité locale. Pour mieux connaître ce patrimoine, le Parc national de la Vanoise a réalisé un inventaire précis des 350 éléments bâtis recensés dans le coeur, dont les chalets d'alpages, chapelles, granges, ruines... Ce travail de référence, partagé avec les partenaires concernés, doit contribuer à la préservation des bâtiments, dans l'esprit initial de leur conception.

Parcelles semées de cuchons (petits tas de foin), assemblage végétal en camaïeu de verts, les prairies de fauche, à plus de 2 000 m d'altitude, marquent les paysages de Vanoise. Elles sont le fruit d'un rigoureux travail d'épierrage et d'entretien, de gestes répétés de génération en génération depuis des siècles. Aujourd'hui encore elles constituent une ressource précieuse, tant par le fourrage de qualité qu'elles procurent, notamment pour la fabrication du Beaufort, que par la diversité des espèces qu'elles abritent : insectes, oiseaux, flore... Leur exploitation reste pourtant difficile, contrainte par la pente, le climat... et demande du temps. Parfois, la faux seule peut être utilisée là où n'accède aucun engin mécanique. Autant d'obstacles qui font de ces prairies une richesse fragile. Le Parc national de la Vanoise aide les agriculteurs à poursuivre l'exploitation de ces prairies, dans le respect de pratiques favorisant la biodiversité.

Aux premières heures du jour, le ronron familier du moteur du "Champion" résonne dans la baie de Port-Cros : Jean-Claude part relever ses filets. Quelques heures plus tard, le voilà amarré au ponton des pêcheurs. Il démaille : rascasses, serrans, labres, girelles feront une bonne soupe. Quelques seiches crachent leur encre tandis qu'une vingtaine de rougets font saliver les badauds. La pêche artisanale pratiquée dans le respect du milieu fait partie intégrante de la gestion marine du Parc national.

Île magique et fragile

Depuis le sentier menant au Piton de l'Eau, dans le coeur du Parc national, un très grand paysage se dévoile au petit matin. Au loin, émergeant de la mer de nuages, les sommets majestueux de l'ancien massif du Piton des Neiges. Ses vastes pentes, griffées par l'érosion, descendent vers la Plaine des Cafres, qui constitue le lien entre le vieux volcan et celui toujours actif du massif du Piton de la Fournaise. Afin de préserverles écosystèmes indigènes d'altitude, l'activité d'élevage, autrefois menée sur un mode pastoral extensif, a été recentrée au fil des ans sur des espaces dédiés, dont les prairies du « coeur cultivé ».
L'avenir se joue ici dans la recherche d'un équilibre entre une nature préservée et des activités agricoles et touristiques, au service d'un développement durable et harmonieux du territoire.

Des techniques de pêche ancrées dans le patrimoine culturel

La pêche a toujours été un moyen de subsistance pour les populations vivant sur le littoral. Les techniques transmises et améliorées par 150 générations de pêcheurs artisanaux datent de ’Antiquité, comme le montrent les traces de la pêcherie de Riou (100 ans avant J.-C.). Cette pêche, toujours active aujourd’hui, fait partie du patrimoine culturel du Parc national des Calanques. Au XVIIIe siècle, la généralisation des techniques de chalutage, puis le développement de la pêche industrielle à partir de la fin du XIXe siècle, ont renforcé la pression de l’homme sur le milieu. Aujourd’hui, une pêche aux petits métiers responsable, alliée aux zones de non-prélèvement mises en place par le Parc national des Calanques, est un gage de la conservation durable de la ressource.

Les amoureux de la grimpe

Au petit matin, quel bonheur de marcher jusqu’au pied des falaises indiquées sur le topo, en écoutant tinter joyeusement dégaines et mousquetons accrochés au baudrier. Le souffle court, on
dépose le lourd équipement à terre et le regard se tourne vers le mur calcaire qui se dresse vers le ciel. On « lit » la voie d’un coup d’oeil, puis on s’équipe : on chausse les chaussons, on glisse la
corde dans le baudrier en vérifiant maintes fois le noeud salvateur qui tient votre vie au bout d’un fil…Et on y va ! L’assureur veille à avaler la corde progressivement et à répondre aux cris de son
partenaire en tête : « Sec ! », « Du mou ! ». D’abord hésitantes, les mains du grimpeur caressent le rocher, le tâtent, puis prenant confiance, elles s’agrippent, s’accrochent, les pieds s’élèvent et voilà que peu à peu, le sommet du ciel se rapproche…Atteignant le relai, on se retourne : la mer à perte de vue, l’archipel de Riou flottant sur les eaux, un faucon crécerelle valsant dans le ciel…les efforts sont récompensés par la magie du Parc national des Calanques.

Trois roches identitaires

Le granite, le schiste et le calcaire ont façonné les paysages avant de marquer l’architecture. Dans les Causses et les Cévennes, où l’activité agricole et pastorale prédomine depuis des siècles, l’architecture reflète l’économie des moyens et une somme de labeur humain considérable. Aujourd’hui, la restauration d’ouvrages en pierre sèche, de toits en lauze de schiste ou de calcaire ou encore en chaume, est encouragée par le Parc national des Cévennes et la préservation de ce patrimoine bâti fait l’objet d’une réglementation dans le coeur.

Une activité millénaire toujours vivante

En juin 2011, les paysages agropastoraux des Causses et des Cévennes ont été inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. La valeur universelle de l'expression dans l'espace des pratiques d'élevage multiséculaires de ces territoires a été ainsi reconnue, de même que les savoir-faire et les traditions associés. Ces activités sont toujours vivantes : élevage bovin sur le mont Lozère, élevage ovin sur les causses. Par ailleurs, de juin à septembre, des bergers transhumants venus des vallées conduisent leurs troupeaux en estive sur l’Aigoual ou le Lozère, donnant lieu aujourd’hui encore à des fêtes auxquelles habitants et visiteurs participent nombreux.

Suivre l’évolution des glaciers

Les glaciers les plus occidentaux et méridionaux des Alpes sont en France et dans les Ecrins. L’analyse des reliefs par les géomorphologues en dit l’importance passée et les besoins en eau le rôle essentiel aujourd’hui. Avec le réchauffement climatique le suivi de l’évolution des glaciers connaît un intérêt croissant. Mesures des reculs de fronts glaciaires, calcul des vitesses d’écoulement, carottages et bilans de masses, toutes les données issues des protocoles de terrain sont mises à profit par les chercheurs des laboratoires de glaciologie. Les programmes de photos-constats dont les séries remontent jusqu’au début du siècle dernier construisent le film saisissant de la peut-être fin des glaciers . La question est posée et notre responsabilité collective avérée.

Les sentiers : un patrimoine

Il est beaucoup demandé au sentier…lui qui prolonge la route, raconte les usages de l’espace, conduit montagnards et simples quidams vers l’altitude, promet une destination, engage vers un ailleurs sécurisé. Dans le rude paysage des Écrins il est la dernière manifestation de l’humain. L’intelligence de son tracé, le confort qu’il offre dans la pente, la discrétion qu’il s’impose dans le paysage ne sauraient en amoindrir l’importance… c’est lui qui conduit au refuge, c’est lui qui grimpe hommes et bêtes à l’alpage, c’est lui qui fait accéder au dernier point haut, au passage insoupçonné dans l’abrupt du versant.
Dans le parc européen de la haute montagne : Les Écrins, il est une réalité quotidienne et concrète qui se mesure en kilomètres entretenus (700) en travaux et budget (120000€/an) . Le sentier est au coeur de la culture de la montagne il n’a de cesse de conduire l’homme vers un au-delà réel et intérieur.

Une montagne habitée et façonnée par l’homme

Les Pyrénées ont été habitées dès la fin de la Préhistoire. Par son activité pastorale, l'homme a occupé et façonné l'espacemontagnard. Au cours des siècles, cette société agro-sylvo-pastorale
complexe amarqué durablement le paysage. Les traités avec les Espagnols, les commissions syndicales régissant l'appropriation collective des estives, permettent l'utilisation de la ressource herbacée et organisent la vie sociale. Les exploitations agricoles sont constituées essentiellement de prairies pour le pâturage en intersaison et pour le stock fourrager en hiver ; une estive pour le pâturage d’été ; de petits effectifs d’ovins et de bovins pour la production de viande ou de fromage selon les vallées. Chaque été, les troupeaux transhument depuis le bas de la vallée pour rejoindre les hauts pâturages où ils resteront jusqu’à l’automne.

Montagne de passage

Les Pyrénées, bien avant d’être une frontière, ont constitué une terre d’échanges,d’itinéraires, de passages et de chemins. Ceux, qui ont conduit des générations de pèlerins à Compostelle sont encore illustres. D’autres, plus secrets, ont néanmoins joué un rôle essentiel dans la vie pastorale et dans la circulation des marchandises. Ils ont été les témoins d’une organisation qui a longtemps permis une utilisation raisonnée des espaces sur les deux versants. Un droit local est né de ces pratiques, il précise les règlements de pâturage et témoigne de la valeur de ce terroir. Sur le versant nord, un patrimoine exceptionnel signale ces usages. Les chemins, les calvaires, les chapelles, les abris et les refuges nous disent aujourd’hui l’intensité et la vitalité de ces passages.

Un inventaire du vivant

Le premier Parc naturel européen, composé du Parc national du Mercantour et de son voisin italien le Parco Naturale Alpi Maritime, a mis la connaissance à l'honneur : grâce à l'inventaire systématique de la biodiversité entrepris en commun depuis 2006, pas moins de 100 chercheurs et 300 taxinomistes passent au peigne fin leurs 2 500 km2 de territoire. Le résultat est impressionnant car la connaissance est passée de 3 000 à plus de 12 000 espèces connues et recensées, toutes catégories animales et végétales confondues ! Des technologies de pointe ont été utilisées, comme le "barcoding moléculaire", sorte de code-barre génétique qui permet par exemple de distinguer certaines espèces a priori semblables. L'extrême richesse floristique et faunistique de ce territoire transfrontalier n'est ainsi plus à démontrer...

Faire parler le vieux bois

Chaque année, les arbres ajoutent un anneau de croissance à la périphérie de leur tronc : chacun de ces cernes témoigne du climat subi durant son année de croissance. La succession de ces témoignages autorise une datation fiable - à l'année près - des bois utilisés dans les charpentes des granges qui parsèment le territoire du Mercantour. Des scientifiques y utilisent la dendrochronologie, ou l'étude de l'âge du bois : cet outil de datation par carottage facilite les projets de restauration et de protection du capital historique que représente le bâti rural légué par l'histoire des hommes. Le croisement des données recueillies sur de très vieux éléments de charpente permet de remonter jusqu'au XIVe siècle et montre que des poutres ont été utilisées pour diverses constructions au fil du temps !